L'histoire de la Citroën Visa, première d'une longue lignée
La Visa, une auto si insipide à la base et pourtant si attachante quand on prend le temps de l'observer de plus près. Premier modèle de la marque sur un segment qu'elle n'a plus jamais quitté, voyons un peu comment s'est déroulée la carrière de la très étonnante Citroën Visa.
Etudes et lancement
Dans les années 1970, Citroën cherche à répondre aux Renault 5 et Peugeot 104 avec une petite berline moderne, située au dessus des gammes 2cv et Dyane et qui succéderait en partie à la vieillissante Ami 8. A l'issue d'un premier rapprochement avec le géant italien Fiat, un premier projet voit le jour, basé sur la petite 127, fierté du catalogue Fiat d'alors.
Mais en ces temps-ci, Citroën va mal, à court de trésorerie, la société est quasiment en faillite et doit trouver un repreneur, Michelin ne souhaitant pas une nouvelle fois mettre la main au porte feuille. Alors qu'un rachat par le Groupe Fiat se dessine, le gouvernement français met son véto et incite le français Peugeot à absorber son concurrent en 1976. Les 2 marques n'ont, pour ainsi dire, RIEN en commun : l'un a bâti sa réputation sur l'avant gardisme et l'innovation technique et stylistique de ses modèles, l'autre est du genre très conservateur. Au final, le projet sur base de Fiat 127 est balayé et les ingénieurs de Citroën repartent sur la plateforme de la Peugeot 104.
Le style de la voiture, si il est en grande partie inspiré de la Peugeot 104 qui sert de base, se veut initialement innovant. En effet, l'innovation sur la Visa est à chercher en premier lieu dans le pare choc bouclier, qui intègre également la calandre ; une grande première ! Innovant mais pas vraiment seyant puisque ce pare choc vaudra aux premières Visa le surnom de "Visa groin".
La Visa Spécial, dépouillée, est le modèle d'accès de la gamme. Embarquant un bicylindre, Citroën n'a pas jugé utile de lui fournir des enjoliveurs chromés, qu'on retrouve pourtant sur une Dyane moins onéreuse.
Le modèle Club hérite d'enjoliveurs chromés. Notez toutefois le curieux pare choc arrière où viennent s'encastrer les feux de recul. L'idée est innovante en revanche le côté pratique est le grand perdant, les feux étant en effet directement exposés aux chocs.
La Super reçoit, en plus d'un 4 cylindre issu de la Peugeot 104, des protections latérales, certes moins prononcées que sur une Renault 5 GTL, mais en tout cas fort pratiques, notamment en ville.
Si les faces avant et arrière ne laissent pas indifférent, le profil de la Visa est emprunt d'une grande banalité...
Si l'extérieur est "original" n'allez surtout pas vous imaginer que l'intérieur ne l'est pas non plus ! Citroën n'est pas un constructeur qui fait les choses à moitié, aussi l'intérieur innove aussi. Couleurs criardes, sellerie originale (seventies obligent) et surtout le légendaire satellite. Cet étrange objet - étrange pour celui qui ne l'a jamais côtoyé du moins - regroupe tous les comodos en un seul point, comprendre que les clignotants, réglage des phares, des essuies glace... sont regroupés sur un seul comodo !
Mars 1978 marque donc le début de la petite Citroën, qui part avec 3 finitions et 2 moteurs :
- Spécial (moteur 652 cm3 de 36 ch)
- Club (moteur 652 cm 3 de 36 ch)
- Super (moteur 1124 cm3 de 57 ch)
Les tarifs vont de 22 660 F pour une berline Spécial à 25 800 F pour une Visa Super.
Vite, un restylage !
Le début de carrière de la Visa est marqué non seulement par son physique particulier (et c'est peu de le dire !) mais aussi par un sacré revirement des publicités chez Citroën. En effet, oubliées les pubs innovantes, grandioses et merveilleuses, place à des pubs banales (caractérisant d'ailleurs bien le conservatisme de Peugeot...) dont justement celle-ci :
Les premiers mois de commercialisation confirment sans doute les impressions que vous pouvez avoir pour l'instant sur cette voiture : c'est un bide commercial ! Chez Citroën on est un peu inquiet. L'auto a mis l'Ami 8 à la retraite, il n'empêche que la bonne vieille 2cv se vend encore beaucoup mieux que la nouvelle venue. C'est alors qu'intervient Heuliez. Le carrossier avait déjà par le passé aidé Citroën, notamment en inspirant les designers de la marque au moment de concevoir l'Ami 6 Break.
En 1981, la Visa fait donc peau neuve. A l'avant, exit le pare choc bouclier avec calandre intégrée, désormais la calandre à lames sera séparée du pare choc, lequel retrouve une forme beaucoup plus conventionnelle et moderne. A l'arrière les feux de recul quitte le pare choc et vont s'insérer dans de nouveaux blocs, redessinés pour l'occasion. Ces modifications transforment radicalement le physique de la Visa ... et le regard du public ! La production double rapidement et la Visa devient cette fois un succès commercial.
Grâce au restylage, la Visa, dans un premier temps nommée Visa II, apparaît nettement plus attirante qu'auparavant. Plus sage, la petite Citroën démarre une toute nouvelle carrière, placée sous de meilleurs auspices.
A l'intérieur, le tableau de bord n'évolue que très peu, avec simplement de nouvelles moulures sur la partie supérieure de la planche de bord. Notez qu'au passage, les couleurs criardes des années 1970 sont proscrites, place à la sobriété !
Les premières versions sportives
Initialement tout sauf sportive, la Visa va se dévergonder à l'entame des années 1980, au même moment où apparaissent sur le marché les Renault 5 Turbo, Peugeot 205 GTI, VW Golf GTI, etc. En 1982, un an après avoir été restylée, la Visa adopte une déclinaison sportive : la Visa Chrono. Outre sa décoration spécifique, l'auto reçoit une motorisation 1360 cm3 issue de la Peugeot 104 ZS2 qui développe 93 ch. 1 000 exemplaires de cette Visa sportive seront commercialisés, pour un prix de base de 55 000 F. Cette série limitée trouve vite son public et remporte un franc succès à tel point que Citroën en refait 1 500 exemplaires de plus en 1983 pour répondre à la demande ! Cette nouvelle série possède néanmoins une distinction par rapport à la première puisque sous le capot le moteur est désormais un 1434 cm3 de 143 ch ! De quoi tenir tête aux Golf GTI et 205 éponymes.
La Chrono peut revendiquer sans fausse modestie son nom et sa décoration spécifique évoquant la sportivité. En 2005 le sigle Chrono sera réutilisé pour une série spéciale de ... Citroën C1 ! Au passage vous observerez que toutes les Visa sportives sont dotées d'un discret becquet sur le hayon.
En 1983 apparaît la Visa GT, version allégée de la Chrono. Le but est ici de séduire les amateurs de sportives qui n'ont pas accrochés à l'exubérance de la Chrono ou qui n'ont tout simplement pas eu le temps de s'en offrir une ! Le moteur de 1360 cm3 passe de 93 à 80 ch tandis que le tarif s'adoucit puisqu'elle coûte 47 900 F.
La Visa GT reçoit un logo spécifique sur le hayon mais aussi derrière les vitres arrière. Notez également le liséré qui ceinture l'ensemble de la voiture.
Un cabriolet
La même année, Citroën dévoile une déclinaison grand air de sa Visa : la Découvrable. Cette surprenante version est fabriquée chez Heuliez et vient compléter l'offre des petits cabriolets de PSA, en s'insérant en dessous de la 205 Cabriolet. Vendue au prix de 56 500 F, cette déclinaison rencontrera un petit succès qui permettra à Citroën d'occuper un segment de niche sur lequel la marque n'est revenue qu'en 2003 avec une certaine Citroën C3 Pluriel.
La Visa Découvrable permet à Citroën d'investir un segment de niche qui commence à s'élargir dans les années 1980. Si cette déclinaison dispose d'un avantage avec ses 4 portes et ses 5 vraies places, son prix va en réduire la diffusion... D'autant plus qu'à la même époque, la gamme Citroën compte toujours la 2cv et la Méhari, 2 concurrentes potentielles, certes plus rustiques.
Avec la Découvrable, Citroën se dote d'un vrai cabriolet pour toute la famille.
Existe aussi en diesel !
En mars 1984 apparaît la Visa Diesel, dotée d'un 1.7 XUD de 60 ch qui impose le montage d'un train avant élargi de Peugeot 205. En octobre, la gamme Visa accueille un nouveau dérivé, remplaçant l'Acadiane et concurrençant la future Renault Express : le C15. Cette nouvelle, et pratique, déclinaison va là aussi trouver durablement son public puisque sa fabrication ne cessera qu'en 2005, bien après la Visa qui sert de base !
La Visa Diesel marque un tournant chez Citroën : c'est la première petite Citroën diesel de l'histoire ! Notez au passage que sur les versions diesel, comme sur les C15, les passages de roue avant reçoivent des protections en plastique, train avant plus large oblige.
La bombinette aux chevrons
L'année suivante, désireuse de peaufiner son image sportive après les BX 16 Soupapes et CX 25 GTI Turbo et Turbo 2, la marque aux chevrons lance la Visa GTI. Cette petite bombinette embarque un 1600 cm3 à injection d'une puissance de 105 ch, lui permettant d'atteindre la sympathique vitesse maximale de 192 km/h. Les tarifs sont attractifs : 78 400 F, contre 84 500 F pour une 205 GTI et 95 800 F pour une Golf GTI. Toutefois, comparée à ses concurrentes, la Visa accuse non seulement un déficit de puissance mais aussi de modernité.
Par rapport à la 205, la Visa GTI souffre : basée sur une plateforme plus ancienne, elle n'a pas la même rigueur de comportement tandis que sa finition et son équipement trahissent son âge.
La Visa GTI, avec ses doubles optiques avant et ses pare-chocs peints, montre que Citroën est capable de faire des bombinettes.
Le lancement de la Visa GTI se fera avec une pub que l'histoire retiendra : une Visa GTI est catapultée d'un porte-avions et réapparaîtra sur un sous marin !
La fin de la Visa
Ce déficit de modernité marque le déclin de la Visa. D'ailleurs, cette année-là la version Découvrable quitte les showrooms après seulement 2 ans de carrière.
En 1986, avec le lancement de la révolutionnaire AX, la Visa prend non seulement un sérieux coup de vieux mais en plus sa présence au catalogue n'est désormais plus justifiée. Les versions sportives s'arrêtent tandis qu'à l'intérieur on note le retrait du fameux satellite, remplacé par 2 comodos classiques. Pour 1988, la Visa entame ses derniers mois de production, avec une gamme qui ne se limite plus qu'à un unique modèle : la Visa bicylinde de 652 cm3, disponible uniquement dans une finition de base. En Septembre 1988, l'ultime Visa est produite.
1 254 390 exemplaires auront été produits en 10 ans de carrière, des chiffres honorables compte tenu des débuts chaotiques du modèle, mais inférieurs aux Renault Super 5 et Peugeot 205 qu'elle était supposée concurrencer. Cette tâche sera dévolue à l'AX, qui remportera, elle, un franc succès. Enfin si on constate qu'à partir de 1986, l'arrivée des Lada Samara, Seat Ibiza et autres Fiat Uno, plus modernes et moins chères , ont eu un sacré impact sur les ventes, on comprend mieux le score modeste de cette Visa.