L'histoire du duo LN/LNA, les mal-aimées de chez Citroën
Poussé à la faillite pour la très coûteuse SM, le bi-rotor qui n'a jamais pu être rentabilisé ou encore le lancement de l'innovante CX en 1974, Citroën est absorbé par Peugeot en 1976. Le rapprochement entre ces deux constructeurs que tout oppose laisse plus d'un commentateur perplexe sur l'avenir de la marque aux deux chevrons. Là où Citroën s'avère être un constructeur très innovant, toujours en avance sur la concurrence, Peugeot joue plutôt la carte de la sécurité, en utilisant le plus possible de solutions ultra-éprouvées, ce qui a d'ailleurs fini par payer... Le premier "fruit" de cette union est la "nouvelle" Citroën LN, ou plutôt le fruit du mariage forcé entre la doyenne des automobiles françaises, la très populaire 2cv, et la mini citadine qui se veut être la concurrente de la très réussie Renault 5, la 104.
La LN, pas si nouvelle que ça
On s'en aperçoit vite lorsqu'on la voit, la LN est à peu près tout sauf une Citroën. Ici, point de lignes innovantes et aucune innovation, c'est une simple 104 citroënisée, qui va d'ailleurs laisser craindre le pire pour Citroën. Pour Peugeot, l'objectif est simple : produire plusieurs fois la même voiture sous plusieurs badges afin de la rentabiliser au maximum. La marque au lion y voit aussi une occasion de diversifier les productions de Citroën.
Quoi qu'il en soit, cette Peugeot rebadgée, tout comme celles qui suivront (Visa ou encore Saxo), va faire beaucoup de mal à l'image de Citroën. Il est également à noter que le lancement de la LN coincide avec une longue traversée du désert dont Citroën se sortira furtivement avec la BX en 1982 puis définitivement avec ... la C3 en 2002 !
En approchant cette LN, outre le style Peugeot, on remarque la présence d'un objet par contre typiquement Citroën : le volant monobranche ! C'est la seule originalité de cette voiture par rapport à la 104. Autre originalité, cette fois sous le capot, elle peut embarquer le bicylindre de la 2cv6, un bloc gonflé à ... 36 ch.
La 104 symbolise la fin des vraies Citroën, et accessoirement une véritable humiliation pour une marque qui, après avoir tant innové, tant symbolisé le savoir-faire français, se retrouve à fabriquer des Peugeot rebadgées, qui plus est une des voitures les plus classiques. Notez que pour masquer ses origines, la LN a opté pour des projecteurs provenant de la Dyane.
Bien que ce soit une simple Peugeot, la LN peut être considérée comme la toute première citadine de la marque. Son succès sera si modeste que Citroën ne lui offrira une véritable remplaçante ... que fin-2002 avec le lancement de la C2 !
En matière de citadine, si la 104 aura beaucoup de mal à contrer la très réussie Renault 5, la LN sera condamnée à jouer les seconds rôles : pas plus de 130 000 exemplaires seront vendues en 1976 et 1982...
Le tableau de bord est issu de la 104. Seule originalité : le volant monobranche. Effectivement, pour faire de l'ombre à la jolie Renault 5, c'était mal parti.
Une carrière discrète
Une fois lancée en août 1976, l'accueil de cette nouvelle Citroën s'avère assez frais. Certains y voient le début de la fin de la marque aux chevrons, d'autres le début d'une nouvelle ère. Cette voiture se présente également comme une possible concurrente interne de la vieillissante 2cv. Voulue citadine, elle ne reçoit ni la gaieté d'une Renault 5 ni l'équipement d'une 104 haut de gamme. Une seule touche de couleur dans l'habitacle : la couleur de la sellerie, en tissu pieds de coqs en option, qu'on retrouvera quelques années plus tard sur la 2cv6 Charleston.
Les ventes sont à ce point mauvaises que dès novembre 1978, la LN évolue et devient LNA.
Puis la LN devient LNA
En novembre 1978 la petite Citroën est restylée. Elle reçoit une nouvelle calandre, de nouveaux rétroviseurs, des pare-choc plus enveloppants et désormais en plastique. Sous le capot prend place le bicylindre de la récente Visa, qui développe 36 ch. L'acheteur peut néanmoins opter pour une mécanique plus vive en prenant le 1.1 XW présent sur la Peugeot 104 et qui développe 50 ch.
La LNA apparaît plus moderne que la LN, de là à dire qu'elle est plus attractive que certaines de ses concurrentes...
Le profil est rectiligne, privilégiant l'habitabilité.
L'auto recevra par la suite des pare-chocs plus épais, citadine oblige. On est en revanche loin des pratiques boucliers de la Renault 5.
Face à une Renault 5 dotée d'une très forte personnalité et étouffée par ses soeurs Peugeot et Talbot, la petite Citroën peine toujours autant à séduire. Citroën lance alors les LNA Club et Cannelle, respectivement en septembre 1981 et janvier 1983, dotées d'une finition plus élaborée, d'un style plus valorisant et mieux équipées. Elle peut aussi recevoir, outre un pré-cablage pour l'autoradio, des appuis-tête mais aussi des vitres électriques, quel luxe !
Une fin à l'image de l'ensemble de sa carrière
A partir de 1985, la LNA se fait de plus en plus discrète. Si la Renault 5 est devenue Supercinq, la LNA quant à elle, a vieillie et marque désormais le pas. Là où la Visa s'est reconvertie en bombinette ou alternative aux 205, la citadine n'a plus beaucoup d'arguments. Ni la Visa, ni la LNA n'ont séduits, aussi décide t-on que la remplaçante de la 2cv ... remplacera aussi les Visa et LNA. La direction y voit d'intéressantes économies d'une part (3 modèles remplacés par un seul), d'autre part une réduction drastique de la gamme (plus de vrai bas de gamme et de citadine). En octobre 1986, au mondial de l'automobile de Paris, Citroën présente sa dernière née : l'AX. Dès lors, la présence de la LNA ne se justifie plus et elle disparaît à la rentrée 1986, en même temps d'ailleurs que sa cousine Talbot Samba. Sa cousine de chez Peugeot, gravement atteinte également, s'éteindra en octobre 1988. Au final, 353 383 exemplaires du duo LN/LNA auront été produits, contre 1 624 992 Peugeot 104, ce qui vous laisse imaginer à quel point la Citroën a été appréciée...